Le fait du tiers exonère le débiteur de la condition suspensive de sa responsabilité

Pour qu'une condition suspensive soit réputée accomplie, le bénéficiaire de la condition doit avoir commis une faute empêchant sa réalisation. Le fait du tiers est exonératoire.

Dans un jugement du 6 juin 2024, le Tribunal judiciaire de BOURG-EN-BRESSE rappelle que pour qu’une condition suspensive soit réputée accomplie, le débiteur de la condition doit avoir commis une faute empêchant sa réalisation.

Une promesse de bail signée sous conditions suspensives

Notre cliente, propriétaire d’un tènement immobilier a, selon promesse de bail synallagmatique en date du 17 mars 2022, promis aux consorts X de leur louer, à compter du 31 juillet 2022 et après réalisation des conditions suspensives à la charge des parties, les locaux F et G de son local commercial pour une surface de 235 m².

Les conditions à remplir étaient les suivantes :

  • Obtention par le preneur de l’accord écrit du bailleur et de l’architecte ou maître d’œuvre de aux fins d’autoriser le preneur à procéder à ses travaux d’aménagement intérieur, modifications de façade, et la pose d’enseigne le 30 mai 2022 au plus-tard ;
  • Obtention par le Bailleur des autorisations administratives définitives de modification des façades, de changement de destination pour le 30 mai 2022 ;
  • Obtention par le Preneur d’un dossier technique amiante avant travaux pour le 30 mai 2022 au plus-tard dont une copie sera annexée aux présentes. Le bailleur s’obligeant à remettre au preneur un local sans aucuns matériaux pouvant contenir de l’amiante.
  • Un certificat d’urbanisme sera demandé au titre de l’article L 410-1 du code de l’urbanisme devra être délivré au plus-tard le 30 mai 2022 au Preneur.
  • Obtention par le bailleur d’un permis de démolir la première partie Sud du bâtiment n° 3, et un permis de construire pour le bâtiment n° 1 permettant les modifications de façades le changement de destination des locaux F et G en commerce et atelier pour le 30 juin 2022 au plus tard ;
  • Obtention d’une attestation RE 2020.

Un fait extérieur aux parties

Pour remplir ses obligations, le bailleur a fait appel à diverses sociétés, dont une de désamiantage qui s’était engagée à finir ses travaux dans un délai d’un mois, ce qui devait permettre au bailleur de respecter ses obligations.

Néanmoins, la société de désamiantage a pris plusieurs mois de retard dans l’exécution des travaux.

Le bailleur a donc indiqué au preneur ne pas pouvoir respecter ses engagements contractuels et a sollicité la résiliation amiable de la promesse de bail.

Les preneurs n’ont pas souhaité en rester là et ont assigné le promettant en indemnisation d’un prétendu manque à gagner tiré de l’impossibilité d’exploiter pendant 3 mois, du fait de la faute du promettant de ne pas avoir réitérer la signature du bail.

Après avoir rappelé les bases légales,

Article 1304-6 alinéa 3 du code civil : « En cas de défaillance de la condition suspensive, l’obligation est réputée n’avoir jamais existé. »

Article 1304-3 du même code : « La condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l’accomplissement. »

« Il résulte de tout ce qui précède que la condition suspensive d’obtention d’un permis de construire était défaillante au 28 février 2016 pour une cause étrangère à son bénéficiaire, Mme H., de sorte que l’acte sous seing privé de vente était devenu caduc à cette date, peu importe que la seconde condition suspensive d’obtention d’un prêt n’ait été réalisée. »

[Cour d’appel de Bordeaux, 2e chambre, 4 mars 2021, RG n° 18/01314]

Nous avons rappelé la chronologie des faits de l’espèce et rappelé l’absence de faute du bailleur, simple victime de son entrepreneur.

Empêche la qualification d’une faute du débiteur de la condition

Notre raisonnement a été suivi à 100% par le Tribunal judiciaire de BOURG-EN-BRESSE qui reprend que :

« Il s’en déduit qu’au jour de la signature de la promesse de bail, la défenderesse ne pouvait avoir légitimement connaissance de la défaillance future de l’entreprise mandatée, puisque les travaux avaient vocation à débuter un mois après le 18 avril 2022 pour une durée de 18 jours (du 18 avril au 6). Par conséquent, les travaux de désamiantage auraient dû être terminés de manière à ce que le bailleur puisse être en mesure d’obtenir un diagnostic amiante négatif pour le 30 mai 2022.

En outre, au regard de la durée prévisible des travaux de désamiantage, il ne peut être valablement reproché à la défenderesse de n’avoir pas prévu un délai suffisant pour la réalisation de la condition suspensive.

La défaillance de [l’entreprise], qui ne relève pas de son fait [ndlr du fait du bailleur], ne peut donc en aucun cas être reprochée au promettant« 

Tribunal judiciaire de BOURG-EN-BRESSE, 6 juin 2024, RG n° 23/00854

La défense opérée par le cabinet ABMS AVOCATS a donc permis à notre cliente d’éviter une condamnation à hauteur de 45 332 € en principal.

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